Cher joueur d' Echecs,

Cela fait bien 20 ans que je joue vraiment aux échecs, dont quatorze années en tant que Maître, et je viens récemment d'obtenir le titre de Grand Maître International d'Echecs.

Les Echecs ont occupé, et occupent toujours, une grande partie de mon existence. Malgré tout, durant toutes ces années, j'ai eu le sentiment que les Echecs semblaient encore imparfaits; le pourcentage de coups est beaucoup trop élevé; La quantité d'ouvertures à se rappeler est trop excessive; et il devient ennuyeux de jouer par nécessité des variations douteuses pour éviter les coups de joueurs faibles. Le match Karpov - Korchnoi a permis au monde de réaliser que le problème actuel du jeu n'est pas seulement dû au manque de volonté de gagner des grands joueurs: malgré les efforts importants donnés par les deux plus grands joueurs pour se vaincre l'un l'autre, seulement un tiers des parties eût une fin décisive.

Cela dit, les Echecs restent un jeu formidable. Des siècles d'histoire, le travail de l'imagination qu'il fournit, des millions d'adversaires possibles, le risque d'être confronté à un adversaire plein de finesse, ou encore l'avantage de pouvoir améliorer son jeu, tout cela fait que l'on doit prendre ce jeu avec considération. Mais depuis trois ans, je découvre une autre forme d'Échecs, avec toutes les possibilités des Echecs classiques et bien plus encore, et surtout sans ses défauts !

Je parle du SHOGI, appelé aussi Echecs Japonais. Il prend part à l'histoire des Echecs depuis 400 ans dans sa forme actuelIe, possède une tradition et une littérature très riche, et un nombre de pratiquants impressionnants (à peu près 20 millions au Japon, et quelques milliers aux États-Unis, principalement au sein de communautés japonaises). Il bénéficie aussi d'une grande richesse de combinaisons, d'une grande beauté dans les coups qui nécessitent d'ailleurs une certaine adresse et une bonne imagination. Contrairement aux Echecs, Le Shogi permet quasiment toujours une fin décisive (98% en jeu professionnel), la mémorisation des ouvertures est beaucoup moins vitale, et les joueurs n'ont pas besoin de jouer des combinaisons douteuses pour gagner (ainsi que le fait souvent Larsen). Alors qu'aux Echecs, la plupart des jeux sont très techniques par nature, au Shogi, les attaques où le Mat est recherché par une stratégie complexe et nécessitant certains sacrifices, ces attaques, donc, aboutissent toujours. Malgré sa nature basée sur de longues combinaisons, une partie de Shogi n'est pas perdue à partir du moment ou une grosse faute est faite, chose impardonnable aux Echecs; le meilleur joueur gagne donc normalement la plupart du temps. Un point positif supplémentaire est le fait que deux joueurs de niveaux très différents peuvent jouer ensemble en y trouvant un plaisir certain tous deux grâce à un système de jeu à handicap qui fonctionne beaucoup mieux que celui pratiqué aux Echecs.

Je suis toujours aussi mordu des Echecs et j'y joue toujours autant. Mais maintenant, j'ai découvert le Shogi et j'aime aussi beaucoup ce jeu. Je crois que vous en tomberez aussi amoureux si vous faites l'effort d'apprendre à jouer à cette formidable forme particulière d'Echecs.

      Larry Kaufman
      Maître International d'Échecs